30                   RECHERCHES SUR MOLIÈRE.
commence en se séparant de sa famille, se lie ensuite avec les Béjard dont l'existence sera désormais inséparable de la sienne, et la termine en paraissant pour la première fois sur un théâtre. Enfin Tannée 1643 est très-probablement aussi celle de la naissance d'Armande Béjard qui, destinée à deve­nir la femme de Molière, servira un jour de prétexte aux ennemis du poëte pour faire peser sur sa mémoire la plus odieuse calomnie.
Nous avons laissé un peu en arrière un document de la même année 1643, qui concerne la famille Béjard, mais c'est ici le moment d'entrer dans quelques détails sur cette fa­mille; nous examinerons ensuite quels sont les autres com­pagnons de théâtre de Jean-Baptiste Poquelin.
Joseph Béjard, à qui certains actes donnent le titre d'écuyer, mais qui est le plus souvent désigné comme procureur au Châtelet, était, en dernier lieu, « huissier des eaux et forêts de France à la table de marbre de Paris. » Il avait été fiancé à la paroisse de Saint-Paul, le 7 septembre 1615, à Marie Hervé, et le mariage fut célébré dans la même église le 6 octobre suivant1. De ce mariage naquirent onze ou douze
1. Je dois ce renseignement et quelques-uns de ceux qui vont suivre, à mon bon et ancien ami M. A. Jal qui, tout en exerçant les fonctions d'his­toriographe de la Marine et de conservateur des archives de ce ministère, a compulsé, depuis vingt ans, non-seulement les documents dont il avait le soin, mais encore une foule d'autres, déposés dans des archives publiques ou privées : au ministère de la Guerre, à la préfecture de la Seine et à la préfecture de Police, aux Archives de l'Empire, dans les études des no­taires, etc. De cet immense travail est résulté un volumineux et très-curieux Dictionnaire historique, rectifiantles plus graves erreurs accréditées parlesan-ciens biographes et invariablement reproduites depuis par leurs continuateurs. Ce complément indispensable de tous les recueils biographiques ajoute à dos illustrations françaises un grand nombre de personnages, célèbres à l'époque où ils vivaient, et qui, faute de renseignements précis, n'ont trouvé place dans aucune biographie générale ou spéciale.
Tous les écrivains dont la principale occupation est d'étudier avec soin tantôt un savant, un littérateur ou un artiste, tantôt une figure de femme distinguée par son esprit, son talent ou sa beauté, tournent leurs regards vers le manuscrit de M. Jal, à qui on ne peut vraiment demander sans indiscrétion de se dessaisir à l'avance des parties les plus piquantes de son livre ; aussi se borne-t-on le plus souvent à hâter de tous ses vœux l'impres­sion d'un travail que Von voudrait avoir toujours à pore de sa main.